Interview: LE MONDE (2006)

October 03, 2006

The following article appeared in an October 2006  issue of Le Monde...

 

La nouvelle s'est ébruitée il y a quelques mois : Sting, le chanteur du groupe britannique The Police et star du rock qui poursuit depuis 1985 une carrière planétaire en solo, allait faire paraître un disque consacré à la musique de John Dowland (1563-1626), le plus connu des compositeurs de l'époque élisabéthaine. Qui plus est, l'enregistrement devait être édité sous le fameux cartouche jaune de l'éditeur Deutsche Grammophon, la plus prestigieuse étiquette de musique classique, propriété d'Universal.

Depuis la vogue de la musique de la compositrice et abbesse médiévale Hildegard von Bingen, arrangée à toutes les sauces - et pas toujours les plus ragoûtantes -, peu de musiciens populaires de renom avaient franchi le pas du "crossover" vers les répertoires de la musique savante ancienne.

"Ce n'est pas un disque de "crossover", insiste le chanteur, rencontré à la fin de l'été dans sa villa toscane. Je ne réécris pas Dowland à ma sauce, mais le respecte pour ce qu'il est. J'ai toujours aimé la musique classique, que j'écoutais jeune à la BBC, et cela fait presque vingt-cinq ans que je connais cette musique. En 1982, quelqu'un m'a parlé de Dowland en me disant que je devrais le chanter. J'ai alors acheté l'enregistrement du ténor Peter Pears avec le guitariste Julian Bream.

"Des années après, dans cette maison, en Italie, la pianiste Katia Labèque m'a joué des airs de Dowland puis Dominic Miller, le guitariste de The Police, qui était fasciné par ce musicien et par le luth, m'a introduit à cet instrument. Il m'a d'abord paru barbare avec toutes ces cordes et ce système de notation si particulier, en tablature, que j'ai appris depuis à lire grâce à mon partenaire pour ce disque, Edin Karamazov."

"En 2004, Dominic m'a construit un instrument et cela a été le déclic. J'avais rencontré Edin il y a quelques années, et j'avais aimé sa force de caractère et son talent. Nous nous sommes revus. Il m'a appris à maîtriser autant que je le peux cet instrument. Nous jouons des duos, et il m'accompagne merveilleusement sur ce disque."

Edin Karamazov, qui a notamment publié, chez le label français Alpha, un extraordinaire album de "crossover" à sa façon, sur lequel il joue le Nocturnal d'après Dowland, de Benjamin Britten, au luth et non à la guitare, confirme : "Sting a étudié cette musique avec le plus grand sérieux, tout en lui imprimant sa part d'invention. Je lui proposais des airs, nous les travaillions ensemble. Nous ne savions pas où nous allions, et tout d'un coup l'idée d'un enregistrement s'est imposée."

Pourquoi Deutsche Grammophon ? "J'ai toujours adoré le cartouche jaune des disques de DG. Et puis je me suis dit que tant qu'à faire un disque de musique classique, autant frapper à la porte la plus prestigieuse !", s'amuse Sting.

"Mais, reprend-il, j'ai abordé les airs de Dowland comme s'il s'agissait de pop songs, ce qu'ils sont d'ailleurs d'une certaine manière. J'ai enregistré cette musique comme je le ferais avec mes propres chansons, près du micro, sans cette réverbération qui affecte tant d'enregistrements de musique classique.

"Mais j'ai travaillé mon souffle, car cette musique est faite de longues phrases mélancoliques qui exigent un grand contrôle de la ligne vocale. Ce que j'ai aussi adoré faire, c'est enregistrer moi-même les quatre parties originales de ces airs, qui ont été publiés pour quatre chanteurs et luth, mais que l'on peut tout aussi bien interpréter en ne faisant sonner que la partie supérieure. J'ai procédé parfois ainsi dans ma propre musique.Le disque est un périple subtilement agencé. En sus des Songs de Dowland, le musicien britannique lit des extraits d'une lettre du compositeur, on entend des bruits de cloche, un chien qui aboie.

Le disque s'écoute d'un seul tenant, de la rythmique presque gaie de Can She Excuse My Wrongs à la noirceur profondément élégiaque et dépressive de In Darkness Let Me Dwell.

Au mot "dépression", que l'on évoque devant lui, Sting réagit en un clin d'oeil : "Je ne confonds pas mélancolie et dépression. La dépression est une chose antiproductive, la mélancolie est créatrice." Et d'ajouter prestement : "La mélancolie, c'est ce qui manque cruellement à George Bush."

La discussion musicale reprend : "Nous avons enregistré ici, dans différents lieux de la maison, y compris la chapelle, avec les bruits naturels de la Toscane. Ce n'est pas "trafiqué". Sting chantant Dowland, cela pourrait choquer certains puristes. Mais, pour moi, outre le plaisir d'avoir vécu cette aventure extraordinaire avec Edin, l'essentiel, c'est que beaucoup de ceux qui suivent mon travail vont aborder pour la première fois de leur vie cet univers si riche et si poétique. Et de cela je suis très fier."

© Le Monde by Renaud Machart

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